La Chrétienté à Beaune
Une première période
L’implantation de la chrétienté en terre païenne du IIIe siècle au Xe siècle.
Dans cette première période, l’implantation de la chrétienté se fait dans un climat de piété populaire tournée vers les Saints.
Saint Bénigne sera le premier évangélisateur, les premiers chrétiens vont se placer sous l’intercession de Saint Etienne le martyr, Saint Martin de Tour qui viendra y prêcher et faire de miracles, Saint Baudel, Saint Flocel, Saint Hernée. Ce sont les saints que l’on prie, qu’on vénère et dont on garde précieusement les reliques. Les saints qui sont les modèles pour persévérer dans les persécutions et qui sont des modèles de vie dans les difficultés. On n’a pas encore de piété mariale populaire. Marie est la mère de Dieu, la Théotokos, encore trop grande et parfaite pour la foi populaire.
Deuxième grande période
L’implantation de la piété mariale à Beaune.
Il y a 2 grands évènements qui vont le permettre. Le premier, du concile d’Ephèse en 431 à la réforme grégorienne en 1050, dont l’évènement fondamental est le développement des fêtes liturgiques de Marie. Ces fêtes liturgiques issues des bases dogmatiques seront le lieu vivifiant de la réflexion théologique et susciteront ainsi le premier avènement d’une littérature proprement mariale. C’est en orient surtout que tout commence.
Insensiblement, on célèbre Marie. Elle entre dans la liturgie comme en satellite du mystère de l’incarnation. Puis à la fin du VIIe siècle, commence une éclosion de fêtes particulières où le mystère de Marie est mis dans un relief plus personnel. L’Annonciation du Seigneur devient l’Annonciation de Marie, la présentation de Jésus au temple est associée à la purification de Marie.
On célèbre la nativité de Marie, sa présentation au temple le 21 novembre, sa dormition le 15 août. On voit toute l’importance des fêtes liturgiques pour l’accueil de la vérité révélée pour la foi populaire et pour la tradition cultuelle qui permettra une vraie transmission de la foi. Dès lors qu’on célèbre une fête, il faut élaborer des formules de prières et prêcher chaque année sur son objet. La pensée théologique en reçoit une stimulation considérable. L’intelligence s’exercera non pas dans l’abstraction, mais au cœur d’une célébration communautaire, dans la vie des fidèles, la célébration communautaire qui fait appel à toutes les générations et qui créé un évènement populaire et fondamental pour la transmission de la foi.
Le 2ème grand évènement marial aura lieu de la réforme grégorienne de 1050 au concile de trente 1563. Après l’introduction des faits, un changement de perspective du rôle de Marie va s’opérer. Ce sera alors l’explosion des chapelles mariales.
Fin du 11ème siècle, la théologie mariale élargit son horizon et prend une proportion considérable. Auparavant on se bornait à considérer Marie dans le mystère de l’enfance du Christ en défendant la maternité divine. On défendait la divinité du Christ contre les hérésies. Son rôle au sacrifice du calvaire et dans la vie actuelle de l’église restée dans l’ombre. Ces limites vont éclater.
A partir du 12ème siècle la présence de Marie au Golgotha capte l’attention et révèle des richesses jusque-là inaperçues. On découvre sa compassion, son union active à l’oblation de son fils. On saisit la portée de la parole du Christ mourant : « voici ta mère ». Marie est ma mère et Marie intercède pour moi aujourd’hui dans ma vie. Voilà ce que les fidèles vont saisir. Ils vont prendre la main de Marie pour qu’elle les accompagne dans les drames de leur vie car l’histoire est envahie de drames, guerres, peste, famine,
Invasions barbares, croisades, guerre de 100 ans, guerre contre Charles Quint, guerre de religion.
Alors on invoque Marie plus que jamais.
Il n’est pas un seul des cantons de l’arrondissement de Beaune qui ne renferme un témoignage de dévotion à Marie. C’est Notre Dame de la piété à Volnay, Notre Dame de Serrigny, Notre Dame d’Auxonne, Notre Dame de Lantenay, Notre Dame de l’étang, Notre Dame de l’espérance.
C’est cette multitude de chapelles qui va créer des points de chrétienté, des ancrages pour la foi. Chacune de ces chapelles a sa tradition, ses fêtes, ses processions, pour implorer Marie ou lui rendre grâce pour les exaucements. Ces fêtes et ces évènements drainent massivement le peuple qui célèbre et fait l’expérience de Dieu par l’intercession de Marie.
C’est Notre Dame de Cîteaux et Notre Dame de Beaune qui seront les moteurs spirituels pour toute la région. Cîteaux va être un lieu choisi par la Vierge Marie. L’histoire commence avec la mère de Robert de Molesme qui a un songe alors qu’elle est enceinte. Marie lui dit : « avec cet anneau, je me fiancerai avec le fils que vous portez dans votre sein ». Plus tard Robert de Molesme avec 20 compagnons cherchant un nouveau lieu de fondation entendit : «Arrête-toi ici » et c’est Cîteaux.
Fin du12ème siècle, il y plus de 6000 monastères. Le pape Grégoire X disait qu’à la droite de l’épouse du Christ est assis l’ordre de Cîteaux attaché à la Sainte Vierge. Puis Saint Bernard par sa sainteté et ses sermons sur Marie va alimenter la foi des fidèles et les faire entrer dans une haute contemplation sur la personne de Marie. C’est dans cette période aussi que l’on construit Notre Dame de Beaune. De 976 jusqu’à son achèvement en 1226 près de 3 siècles s’écouleront. Ces 3 siècles qui vont concentrer toute l’attention des populations, riches et pauvres dans des efforts laborieux, communs pour sa construction au service de Dieu et de la Vierge Marie. Une Vierge noire sera présentée à la dévotion.
En 1290 alors que Notre Dame est à peine terminée Pierre de Marcilly doyen du chapitre de la Collégiale a consigné 24 miracles en moins de 15 jours d’intervalles qui ont eue lieu à la collégiale à peine achevée. C’est dire tous les exaucements que Marie accomplissait envers les beaunois et tous ceux qui invoquaient son intercession. Plus il y a de catastrophes et de malheurs, plus on a recours à Marie et plus on l’honore. Les processions et les pèlerinages sont les principaux modes de prières communautaires où tout le peuple s’unit et se rassemble pour demander des grâces et les exhaussements sont patents. Mais Marie conduit aussi à la charité envers les pauvres. Le 4 août 1443 Nicolas Rollin en conclusion d’une carrière politique qui n’a pas toujours été fondée sur l’inspiration de Dieu et comme en réparation de ses erreurs dira : « dans l’intérêt de mon salut, je fonde l’hôpital pour les pauvres et les malades ». Beaune devient alors ville d’accueil des pauvres et de ceux qui souffrent.
Liturgie sacrée et charité sont désormais les 2 poumons où le souffle de l’Esprit s’engouffre pour transformer la misère de ce monde. Beaune devient peu à peu cette terre sacrée.
En 1540, François 1er demande que les armoiries de la ville portent la Vierge Marie avec l’Enfant Jésus sur son bras gauche et tenant de la main droite une branche de vigne avec raisin. Comme devise « causa nostra laetitia » cause de notre joie. La ville officiellement est reconnue comme vassale de la Vierge et de l’Enfant. Marie notre souveraine et l’Enfant Jésus notre roi.
De 1561 à 1598, ce sont les périodes de guerre de religion qui font des ravages.
Une troisième période
A la fin de 16ème siècle arrive la 3ème période qui est la période centrale pour Beaune ; elle est le fruit de cette vraie dévotion mariale qui a préparé le terrain. Marie prépare le terrain des grandes grâces. Beaune est alors pétrie par la charité envers les pauvres malades et les illettrés et de la sainte liturgie en l’honneur de Dieu. A tel point qu’il y a de couvents qu’on ne veut plus que s’installe le couvent des carmélites en 1619. Il aura bien du mal à s’y installer et l’évêque d’Autun demandera plus tardivement qu’on diminue le nombre de processions à Beaune.
En fait, la dévotion mariale, les œuvres de charité, les couvents où se vit une liturgie continue prépare la venue d’un coeur afin que le Père puisse y déposer son projet. Tout comme la terre d’Israël a été la terre promise, pour que le peuple élu soit le dépositaire de la jeune fille qui allait porter le Sauveur en son sein. Car la naissance de la vénérable Marguerite du Saint Sacrement en 1619 est aussi la naissance d’un projet du ciel, dans une âme pure, innocente et simple.
Le 23 septembre 1630, sa mère meurt. Sur le champ la petite Marguerite Parigot court se réfugier auprès de la Sainte Vierge et lui demande d’être sa maman. Son père et son oncle la conduisent après les obsèques de sa mère au carmel. C’est alors que l’Enfant Jésus se révèle à son cœur. Bientôt il lui révèle aussi sa mission. Faire connaître au monde les trésors de la divine enfance du Sauveur et sa douloureuse passion. Voici comment. En 1636, Marguerite a 17 ans. La peste, les guerres reprennent. L’Enfant Jésus donne à Marguerite les moyens de sa mission. Fonder une famille qui honore son enfance. Ce sera le remède pour arrêter l’armée ennemie. « Puise dans les trésors de mon enfance et rien ne te
sera refusé ». Le 24 mars 1636, elle fonde la famille du Saint Enfant Jésus. Cette dévotion se répand très
rapidement, à cause des souffrances du peuple et des dangers émanant des guerres qui ravagent la Bourgogne et les grâces effectivement sont obtenues.
Dès 1636, l’Enfant Jésus demande à Marguerite de prier pour l’obtention d’un dauphin pour la France. « C’est par ma sainte Enfance que la France obtiendra un dauphin ». Or la main de Dieu est sur la famille royale. Louis XIII décide de consacrer la France à Marie pour obtenir une paix stable dans le royaume. Avant même de savoir que la reine est enceinte, la Vierge Marie et l’Enfant Jésus ont dépassé leur attente.
Le 10 février 1638, le roi Louis XIII proclame sa confiance ainsi que celle de tout son royaume à Marie, formule un vœu de consécration de lui-même, de sa famille, de la France, à Notre Dame de l’Assomption. « Tant de grâces si évidentes, font que nous avons cru être obligés de nous consacrer à la grandeur de Dieu, par son fils rabaissé jusqu’à nous, et à ce fils par sa mère élevé jusqu’à Lui, en la protection de laquelle, nous mettons particulièrement, notre personne, notre état, notre couronne et tous nos sujets ». La fête de l’Assomption le 15 août est officiellement depuis le vœu de Louis XIII, une fête nationale française. Pour nous beaunois, nous voyons comment Marie et l’Enfant Jésus, lient le sort de la France à Beaune.
Consécration à Marie et puissance de la Sainte Enfance pour obtenir la paix et la naissance du dauphin. Il fallait aussi la docile obéissance de cœurs humbles et attentifs à la voix de Dieu. Louis XIII et la petite Marguerite du Saint Sacrement. Le 5 septembre 1638 Anne d’Autriche accouche d’un garçon que l’on prénomme Louis Dieudonné et qui deviendra Louis XIV. Or le 25 décembre 1638, l’Enfant Jésus à Beaune fait une nouvelle demande à Marguerite. Il lui apparaît en une forme différente, debout mais emmailloté jusqu’au bras, couronné, un sceptre à la main. Il désire une chapelle où il soit honoré comme le Petit Roi de Grâce, de gloire. Alors que le roi Louis XIV sera le roi soleil et vivra dans un palais à Versailles, L’Enfant Jésus proclame qu’il veut régner sur les cœurs et veut une modeste petite chapelle où il désire être honoré ici à Beaune. « Ma royauté n’est pas de ce monde ». Mais il est le roi et il veut régner. Il choisit un lieu où il manifeste sa régence. Beaune devient dès lors plus que jamais terre sacrée et sainte, pour que s’y réalise le plan de Dieu et il y aura un jeu tout particulier entre l’Enfant et sa mère. Voilà le cœur de l’histoire de Beaune et de sa mission.
Les couvents se multiplient pour soulager les pauvres et les affligés.
12 communautés religieuses seront recensées en ce milieu du 17è siècle. Vie d’union à Dieu, charité envers les malades, enseignements pour vaincre l’ignorance, prières pour défendre la France. C’est la réponse du ciel face aux maux du siècle.
Quatrième période
S’ouvre une 4ème époque, les crises, l’enfouissement, l’acharnement à détruire l’ordre de Dieu.
1789/1793 la révolution française et les destructions des chapelles, l’interdiction du culte.
Il y a le siècle des lumières, l’athéisme, le communisme, les grandes guerres qui font que la foi s’érode. Quand il viendra le fils de l’homme, trouvera-t-il encore la foi sur terre ? Mais il y a aussi des réveils qui lient la Vierge Marie et l’Enfant.
1873 l’Abbé Chocarne réalisant son 2ème pèlerinage national à Lourdes à Notre Saint Mère et en priant devant la grotte à Lourdes, est abordé par un pèlerin qui lui présente une image du Saint Enfant Jésus, qu’il ne connaissait pas encore.
De retour à Beaune avec Mme Maurice de Blic, il décide de remettre le culte du Petit Roi, publique. C’est encore la mère qui fait découvrir l’Enfant.
A Beaune aussi il y a la libération le 8 septembre 1944, Marie donne le signe qu’elle est la Reine de la ville et qu’elle l’a protégée et l’a libérée. C’est pourquoi le 25 mai 1947, sous la houlette de l’archi prêtre Pimet, on érige sur la montagne de Beaune, une statue en l’honneur de Notre Dame pour la remercier de sa protection.
Cinquième période
Vivons-nous une 5ème période ? Le Petit Roi de Grâce veut se rendre visible, il est confié à la Paroisse de Beaune par les carmélites. Il veut être honoré par l’érection d’un sanctuaire. Aujourd’hui avec vous, Notre Dame, le Petit Roi de Grâce peuvent réaliser leur plan d’amour. En fait, les portes du ciel s’ouvrent à chaque fois que des cœurs acceptent l’action de l’Esprit Saint en eux. On assiste alors à de véritables réveils de la foi. Le fil rouge de Beaune c’est Marie et l’Enfant. Ils veulent nous aider à traverser toutes les tempêtes de l’histoire de l’humanité. Ils veulent que nous soyons des serviteurs de leur plan d’amour pour nos frères et pour transformer nos sociétés. Saurons-nous y croire et être ses serviteurs, ses domestiques, ses esclaves de Marie qui portons et donnons l’Enfant Sauveur au monde ?
Beaune fait bien partie de ses lieux sacrés qui incarnent la foi et où le ciel fait irruption dans le temporel. C’est notre monde. Les lieux où la foi populaire peut s’exprimer pour dialoguer avec le créateur et ses saints qui intercèdent pour nous. Autrement dit des lieux de miséricorde et de compassion qui nous permettent de réaliser de vraies conversions, des rencontres transformantes et authentiques des âmes avec Dieu. Ces lieux sont fondamentaux pour la visibilité et la transmission de la foi. La foi qui s’exprimera dans une tradition familiale reconstruite, dans une expression liturgique communautaire où nous implorerons ensemble le ciel. Il nous faut retrouver le sens des célébrations liturgiques en église, le sens du sacré et de la fête en famille pour une église vivante de demain. Il nous faut aussi renouer avec la richesse de notre tradition chrétienne.
France qu’as-tu fait de ton baptême ?
Beaune qu’as-tu fait des trésors que le ciel t’a confiés ? Oui Beaune, buisson ardent où la voix du Seigneur s’est fait entendre. Il nous appelle encore aujourd’hui, il a une mission à nous confier pour libérer ce monde de ses ténèbres et nous faire entrer dans l’autre monde, celui de la lumière.
(Cet article est issu de notes prises lors d’un enseignement de Sr Marie Astrid – Neuvaine 2012)